Hist. droit pénal - 3
Chapitre 2 - La procédure pénale
Pendant très longtemps la procédure pénale n'a obéit à aucune véritable règle prédéterminée. Dans les temps les plus anciens du MA les litiges se réglaient le plus souvent par la guerre privée entre le lignage de l'agresseur et le lignage de la victime. Cette guerre privée était une institution minutieusement réglementée dans les coutumes : il s'agissait donc d'un moyen violent pour régler les querelles et tirer vengeance des crimes.
Il existait aussi des moyens pacifiques de régler les litiges en matières pénale, tel le versement d'une compensation pécuniaire. Au 13è siècle les choses vont changer radicalement sous l'empire de plusieurs facteurs. D'abord l'affermissement du pouvoir royal, ensuite et surtout la renaissance du droit romain -dont on a vu que c'était un droit très évolué, procédure inquisitoire confiée aux fonctionnaires impériaux-, il y a aussi la naissance des universités qui permettent de former les agents royaux pour rendre la justice, ou l'exemple de la procédure romano-canonique qui était appliquée par les juridictions d'église. Cette procédure héritée du droit romain était exemplaire et les juges royaux ont tendance à s'en inspirer.
A la fin du 14è la procédure criminelle est fixée. On voit qu'une procédure rationnelle est née d la pratique judiciaire des tribunaux ; elle sera consacrée et fixée dans plusieurs ordonnances.
I. Une procédure criminelle née de la pratique criminelle
A. La procédure du procès pénal
La procédure de flagrant délit : le fait de prendre le criminel sur le fait, a toujours été soumis à des règles spéciales, le flagrant délit simplifiant, finalement, la poursuite. Une ordonnance royale de 1273 ordonne à tous ceux qui ont connaissance d'un vol d'arrêter le voleur et, si jamais ils n'arrivent pas à l'appréhender eux-mêmes, ils devaient "lever le cri Haro" et tous ceux qui entendaient ce cri devaient faire en sorte d'attraper le voleur pour le conduire devant le juge. C'était la procédure générale en cas de délit flagrant. Dans cette procédure il n'y avait besoin ni d'une plainte de la victime au juge car "le cri est le commencement de la plainte", pas besoin d'accusateur non plus dès lors qu'il n'y a aucun problème de preuve, le malfaiteur ayant été pris. Autrement dit, le flagrant délit fournit la certitude de la culpabilité et on procède immédiatement au jugement ; il suffit donc d'appliquer la peine.
Il y avait aussi une institution appelée "l'action à seule fin de réparation ou à seule fin civile". il s'agit d'une action donc purement civile et la victime y avait recours quand elle voulait éviter les inconvénients d'une véritable plainte pénale.
Il y avait donc deux véritables procédés qui permettaient de mettre en mouvement le procès pénal. Ces deux modes de mise en mouvement c'était d'une part la dénonciation, et d'autre part l'accusation aussi appelée "partie formée". L'accusation étant plus ancienne que la dénonciation, on commencera par l'examiner en premier.
L'accusation est une technique courante au 13è siècle et qui trouve ses racines dans les pratiques germaniques qui se sont imposées en France avec les francs. Dans la procédure d'accusation, encore archaïque, la société n'intervient pas pour poursuivre, seule la victime est fondée à se plaindre et à poursuivre le coupable, autrement dit à déclencher l'action publique. En réalité il n'y en a pas vraiment puisque le procès qui suivait une accusation se présentait comme un simple débat en particuliers, l'accusé et l'accusateur. La "lutte" qui les opposait devait être égale et égalitaire, à tel point qu'accusé et plaignant étaient tous deux mis en détention prévention. Il s'agit d'une procédure accusatoire, publique, orale et la défense se borne à réfuter point par point tout ce qui est soulevé contre elle. Les preuves étaient les ordalies ou le fameux serment purgatoire. Cette procédure est dangereuse pour l'accusateur parce que si l'accusé est lavé de tout soupçon c'est l'accusateur qui sera condamné à la peine qu'aurait encouru le coupable s'il avait été reconnu coupable.
Cette procédure d'accusation tend à disparaître au 14è siècle et a été remplacée par un autre procédé de mise en mouvement de l'action appelé la dénonciation. Ce procédé comporte moins de risques pour l'accusateur, ce dernier est une partie qui porte plainte contre un délit mais qui n'encoure aucune responsabilité juridique sauf en cas de dénonciation calomnieuse.
Dans cette procédure de dénonciation c'est le juge qui tient la première place. C'est lui qui examine le sérieux de la dénonciation portée devant lui, lui qui procède à l'information, qui ??? l'accusé et le cite devant un tribunal.
Dans ces deux types de mouvements, accusation et dénonciation, la poursuite du délit se fait à l'initiative de la victime ou de sa famille. Mais on voit qu'au MA, dans un grand nombre d'affaires, il n'est fait mention d'aucune initiative de la victime ; en fait, dès le MA, le juge, dans le plus grand nombre de cas, agissait d'office. On était déjà en présence d'une procédure inquisitoire (ou inquisitoriale). Il arrivait souvent qu'aucun accusateur ou dénonciateur ne se présente. Le juge a connaissance d'un délit par la rumeur, que l'on appelait "fama", restée à ce stade car personne ne pouvait ou ne voulait convoquer la poursuite. Un adage disait que "rumeur commune est rarement fausse". C'est donc le juge qui agit, qui recherche les preuves et les témoins sont entendus à son initiative.
Au MA on ne faisait pas de différence entre juridiction d'instruction et juridiction de jugement. L'instruction était diligentée par la juridiction de jugement qui confiait l'enquête, les actes d'instruction, à des "examinateurs". Pour le faire, elle confiait les actes d'instruction à des examinateurs qui procédaient à l'audition des témoins et se transportaient sur les lieux du crime.
Le juge avait une décision à prendre et devait opter soit pour la voie ordinaire, soit pour la voie extra-ordinaire.
B. L'ordinaire et l'extra-ordinaire
La voie ordinaire est résolument de type accusatoire, et qui reprenait notamment la publicité et l'oralité des débats. Cette procédure se déroulait à l'audience. Elle permettait une défense de l'accusé totalement libre. Il était exclu, pour le tribunal, de recourir à la torture pour extraire des aveux à la partie poursuivie. Au fond, lorsqu'un délinquant était jugé à l'ordinaire, le procès était proche d'un procès civil. Cette procédure à l'ordinaire était de règle pour ce que l'on appelle le "petit criminel". Il s'agissait donc d'affaires mineures qui se réglaient à la demande de la victime sur un mode principalement indemnitaire qui ne tend qu'à une chose : indemniser la victime.
La procédure extra-ordinaire était réservée à la répression des crimes les plus graves, qui étaient ceux qui troublaient l'ordre public. C'était plutôt la véritable procédure criminelle stricto sensu (l'autre était plutôt civile). Elle trouvait ses racines dans la procédure pénale du bas-empire romain et va se développer avec la répression des hérésies. Lorsque l'église va développer la procédure spécifique de l'inquisition, cette procédure criminelle s'introduit entre 1280 et 1380 dans la pratique quotidienne de la justice royale. Cette pratique judiciaire se caractérisait par la combinaison inédite de la pratique de la question, càd de la torture pour obtenir des aveux, par un usage plus fréquent de l'écrit, et surtout la procédure devient secrète : on voit disparaître le débat contradictoire entre l'accusateur et l'accusé.
La question, ou torture judiciaire, était réservée à l'accusé qui niait les faits lors de son premier interrogatoire. La torture est donc un procédé d'enquête qui fait appel à la douleur pour obtenir de l'accusé l'aveu de son crime et/ou la révélation du nom de ses complices. La torture pour obtenir des aveux était déjà utilisée en droit romain ; elle a ensuite été admise plus tard en droit canon pour poursuivre les crimes d'hérésie ; elle est finalement introduite au 13è siècle dans les cours laïques et, au 14è, était employée de façon généralisée pour palier les carences et faiblesses d'une police qui était peu organisée. Également cette pratique était une conséquence du fait que l'on assumait qu'il était impossible de condamner quelqu'un sans être absolument certain de sa culpabilité. Autrement dit, il n'existait pas comme aujourd'hui le système de l'intime conviction du juge, on ne pouvait condamner pénalement qui si l'on avait une preuve certaine de la culpabilité. On exigeait cependant dès le MA que l'aveu obtenu sous la torture soit ensuite maintenu en dehors de la torture. En cas de rétractation l'aveu était nul et il fallait recourir à nouveau à la torture qui était donc considérée comme le seul moyen rationnel pour atteindre une vérité pleine et entière.
A l'origine, la procédure n'avait pas de caractère secret, même dans l'hypothèse de procédure réglée à l’extra-ordinaire. L'accusé pouvait se défendre et produire des témoins ; mais progressivement le secret s'est imposé pour éviter, principalement, que les témoins ne soient influencés. L'accusé n'avait donc pas connaissance des accusations faites par les témoins à son encontre. Il y avait là une grave atteinte au droit de la défense, si bien que la pratique introduit deux garanties pour atténuer l'atteinte au droit de la défense.
La première de ces garanties s'appelait le récolement et consistait dans la lecture faite par le juge aux témoins de leurs déposition. Par cette formalité le juge s'assurait du sérieux des déclarations du témoin et il permettait aux témoins de confirmer ou compléter leur déclaration.
L'autre garantie était la confrontation. C'était la lecture faite par le juge des dépositions des témoins, cette fois à l'accusé. Ce dernier avait donc là la possibilité de réfuter les accusations ou alors de donner des éléments qui permettaient de mettre en doute la bonne foi ou l'impartialité des témoins. D'ailleurs, au MA, les juges avaient un profil du témoin "fiable" : il devait être adulte, devait retracer des faits qu'il avait vu (et non pas ouïe-dire). On se méfiait aussi de témoins trop pauvres, car dans ce cas-là ils étaient suspectés d'être achetés.
Il n'existait pas de voie de recours contre les condamnations prononcées à la suite d'un flagrant délit, de l'aveu du coupable ou d'une sentence rendue à l'extra-ordinaire. L'accusé n'avait alors qu'une seule possibilité : de présenter une requête au roi pour obtenir une "lettre de rémission". Cette lettre pouvait être obtenue à tout moment du procès et pouvait aller jusqu'à annuler les effets d'une condamnation. Le condamné qui voulait obtenir une lettre de rémission adressait une requête au roi qui était étayée par tous les éléments possibles pour obtenir la clémence du roi. Si le conseil du roi accordait cette lettre, il fallait ensuite que la chambre criminelle du Parlement de Paris (la plus haute Cour d'appel du royaume) en vérifie le bien fondé. Cette vérification s'appelait la procédure judiciaire de l'entérinement.
Le Parlement examinait la requête pour y déceler éventuellement ce qu'on appelait une "subreption", c'est-à-dire un fait contraire à la vérité, et quand le requérant fait une telle déclaration mensongère on disait alors que le Parlement annulait la lettre qui était qualifiée de "subreptice". Mais quand le condamné obtenait une lettre de rémission, l'effet de la grâce royale était alors triple : toutes les procédures déjà faites sont anéanties, les peines prononcées sont annulées et toute poursuite future est interdite.
II. La fixation par les ordonnances royales
Jusqu'à la fin du 15è siècle les règles de procédure pénale sont demeurées purement coutumières et jurisprudentielles, ce qui avait pour conséquences qu'elles étaient assez incertaines. A la fin du 15è siècle le roi est intervenu pour modifier, mettre par écrit certaines dispositions de procédure pénale. Les rois l'ont fait (Charles VIII et Louis XII) par la voie des ordonnances de 1493 et 1498.
A. L'ordonnance de réformation de la justice de juillet 1493
On connaît les E généraux et les cahiers de doléance. Les E généraux de Tours de 1484 avaient demandé que les formes du procès pénal soient mises par écrit. L'ordonnance de 1493 est une réponse à ces doléances. Le texte comporte deux dispositions qui améliorent l'administration de la justice pénale. Pour accélérer le déroulement du procès, un texte enjoint au juge de procéder rapidement aux interrogatoires et d'aller entendre les criminels en prison au moins une fois par semaine. Le texte réduit également le champ d'application des lettres de rémission pour éviter les manœuvres dilatoires des accusés.
B. L'ordonnance de Blois de 1498
Cette ordonnance, adoptée par Louis XII, entérine la distinction coutumière qui avait été élaborée par les tribunaux entre procédure ordinaire et procédure extra-ordinaire. Les textes précisent aussi les deux caractéristiques de la voie ordinaire. L'ordonnance pose que la procédure extra-ordinaire est caractérisée par le secret. Le secret couvre aussi les délibérations du tribunal pour savoir s'il faut ou non appliquer la torture. Ensuite, ce qu'on appelait la "visite du procès" (son rapport) et le délibéré de jugement se faisaient aussi en secret. L'ordonnance de Blois de 1498 consacre donc le fait que le prévenu se retrouve seul face à ses juges du début jusqu'à la fin du procès.
L'ordonnance pose également les conditions d'application de la question. Le roi rappelle dans le texte que "sont seuls valables les aveux renouvelés devant le tribunal, en dehors de la chambre de torture et sans aucune contrainte". Surtout l'ordonnance précise que si l'accusé refuse de réitérer ses aveux devant le juge, dans ce cas on doit le "tenir quitte et ne plus le remettre à la question". La question ne pourra lui être ré-appliquée que s'il survient contre lui des charges nouvelles. Cette disposition du texte était destinée à mettre fin à une pratique abusive des tribunaux qui n'hésitaient pas à remettre x fois à la torture un accusé qui refusait de faire des aveux ; dans la pratique, on pense que cette procédure a rarement été appliquée.
Chapitre 3 - Les délits et les peines
Au MA délits et peines étaient très étroitement liés. A chaque délit correspondait une peinde déterminée, peine fixée par la coutume qui semble avoir été générale au royaume. Seule la prise en compte de circonstances atténuantes ou aggravantes permettaient au juge de s'affranchir de ce tarif pénal pré-établit.
I. Les crimes et leurs sanctions
Grandes classifications, non exhaustif.
A. Les atteintes à l'ordre public et à la religion
1. L'ordre public
Jusqu'à la fin du 15è siècle la législation royale s'est cantonnée à la défense du droit du roi ou à la défense de l'ordre public. Les textes se contentent de réprimer pour des faits portant atteinte à l'autorité publique. Ces atteintes à l'ordre public sont qualifiés de "cas royaux" selon une liste devenue assez longue au 14è siècle. Principalement, le crime de lèse-majesté réprime les atteintes les plus graves à l'ordre public puisqu'il est porté atteinte à la majesté royale. La lèse majesté royale est d'abord une atteinte à la personne du roi, ou alors contre une personne de son entourage, sa famille, ou les personnes qu'il a sous sa protection directe. Mais progression le champs du crime de lèse-majesté va s'étendre : ainsi toutes les atteintes à l'intégrité du patrimoine du roi deviennent autant de crime de lèse-majesté et la lésion des intérêts patrimoniaux du roi ou du royaume fait apparaître des cas royaux spéciaux, par exemple le fabrication de fausses monnaies est un cas royale apparu fin 13è début 14è. Il porte atteinte à une prérogative essentielle du roi : celle de battre monnaie.
Autre cas royal qui atteint le roi dans son pouvoir législatif : la falsification des sceaux des lettres du roi - c'est les faux textes royaux. C'est un cas royal début 14è.
Début 14è encore devient cas royal le délit de port d'arme prohibé, parce que ce délit atteint le roi dans son droit souverain de faire la guerre - seuls les nobles pouvaient porter des armes.
2. Les atteintes à l'ordre religieux
- le blasphème
Il se définit comme "des imprécations verbales faites non seulement contre l'honneur de dieu mais encore contre l'honneur de la sainte vierge et de tous les saints du paradis." Ce sont des paroles qui insultent dieu, la vierge et les saintes. Le blasphème a été très tôt réprimé par les juridictions laïques. Dès la fin du 12è et jusqu'au milieu du 13è, les statues des villes, par exemple d'Arles ou d'Avignon, punissent les blasphèmes soit d'une amende, soit de la peine de la fustigation (être fouetté).
Saint Louis, en 1268, consacre au blasphème une ordonnance assez sévère, renouvelée et aggravée par Philippe VI en 1330 qui introduit comme peine du blasphème la peine terrible de la "lèvre coupée" (couper la lèvre supérieure pour "mettre les dents à nu"). En fait, devant la multiplication des blasphèmes, les rois accusent les juges de négligence et, si le roi punit sévèrement le blasphème, c'est pour maintenir une alliance spirituelle entre dieu et le royaume. Les rois craignaient, pour le royaume, les effets redoutables d'une vengeance divine que les blasphème pouvaient attirer. D'où la multiplication des textes pour essayer de mettre fin à ces injures contre dieu. En 1493 le roi Charles VIII promet de faire exécuter les ordonnances de ses prédécesseurs "en telle manière que l'honneur de dieu et le sien y sera gardé et telles mauvaises gens y sera corrigé et puni".
L'ordonnance de 1511 rendue par Louis XII et fixe l'ordre des peines. Le primo délinquant n'est passible qu'une amende modérée laissée à l'appréciation du juge. Au deuxième blasphème l'amende est doublée puis, les fois suivantes, l'amende est triplée et quadruplée. En cas d'insolvabilité pour ces 4 premiers blasphèmes, le condamné est mis en prison pour quelques jours. C'est à la cinquième infraction (donc quatrième récidive) qu'intervenait la peine du carcan : l'interpellé était attaché à un poteau avec un poids lourd autour du cou. Au sixième blasphème la lèvre supérieure était coupée. LA septième fois c'était la lèvre inférieure, la huitième fois c'est la langue - et là plus aucune possibilité physique de récidive.
- le sacrilège
Au MA le sacrilège est un vol parce qu'en droit romain le sacri legium était défini comme le vol d'une chose qui appartenaient aux dieux. Cette définition romaine du sacrilège a été reprise au MA. Le sacrilège c'est donc le vol d'une chose sacrée dans un lieu sacré, par exemple le vol des objets du culte dans une église, ou alors "le vol d'une chose profane dans un lieu sacré" comme le vol de la bourse d'un fidèle. Le vol c'était aussi le vol d'une chose sacrée dans un lieu non sacré, comme le vol d'un ciboire à extérieure.
- magie et sorcellerie
Comme au bas-Empire romain, la justice séculaire, la justice du roi, n'a pas hésité à réprimer toutes les pratiques de magie et de sorcellerie, même si c'était un crime qui touchait au spirituel. Les rois carolingiens réprimaient déjà la magie et les sorcellerie, dans le but surtout d'extirper les derniers vestiges du paganisme. Mais c'est au début du 14è siècle que commence en Europe une véritable chasse aux sorciers et aux sorcières qui a duré jusqu'au deuxièmes tiers du 17è siècle. Le fait qu'elle ait commencé au début du 14è n'est pas anodin : c'est le moment où l'E se reconstruit et, dans un E qui commence à être moderne, les accusations de magie et de sorcellerie sont un moyen commode pour éloigner les ennemis de l'E. On pense notamment au procès des Templiers, sous le règle de Philippe le Bel, accusés de crimes fantastiques, et la torture sans ménagement qui arrachaient aux accusés les aveux les plus improbables. Les accusations de magie et de sorcellerie étaient aussi un moyen pour les pouvoirs publics de ménager l'opinion publique dans un contexte où les aléas de la vie pouvaient leur être attribués facilement. Les procès en sorcellerie restent cependant assez limités jusqu'à la moitié du MA, jusqu'à la moitié du 17è où des juges éclairés ont mis fin à ces accusations.
- l'hérésie
Les tribunaux royaux pouvaient également réprimer l'hérésie en disant que c'était un crime de lèse-majesté divine, ce qui justifiait des peines particulières dont notamment le fait que les enfants du coupable étaient condamnés aussi - donc on ne connaissait pas le principe de l'individualisation de la peine.
- le suicide
Montesquieu, dans "Les lettres persanes", écrivait "les lois sont furieuses en Europe contre ceux qui se tuent eux-mêmes. On les fait mourir pour ainsi dire une seconde fois, ils sont traînés indignement par les rues, on les note d'infamie, on confisque leurs biens. Il me paraît que ces lois sont bien injustes." Montesquieu condamnait donc la répression du suicide. De fait, la répression du suicide répondait à un régime dérogatoire en droit commun pénal. En droit commun pénal la mort du coupable éteignait le crime. Cette règle trouvait exception dans l'hypothèse du suicide. Qu'on le dise : dieu seul est le maître de la vie humaine. Le suicide était donc qualifié "d’homicide de soi-même". L'Eglise estimait que seul dieu était maître de la vie humaine.
La répression du suicide ne s'est généralisée au 6è siècle après JC et la peine était alors seulement la privation de sépulture ecclésiastique, le cadavre n'était pas admis au sein de la paroisse.
A partir du ? les tribunaux intentent de véritables procès aux cadavres des suicidés. Ils devaient être traînés dans les rues de la ville, attachés sur une clair, comme une marque d'infamie à la famille du suicidé. Le corps était ensuite envoyé à la décharge. Enfin, on confisquait tous ses biens. La confiscation des biens et la peine de la claie étaient considérés dès le 13è comme des véritables peines appliquées, donc on procédait à un véritable procès sans lequel les peines ne pouvaient être appliqués. Les parents et proches du suicidés pouvaient être amenés à prendre sa défense et à amener des justifications (comme la folie). Le juge prononçait alors une peine proportionnelle à la gravité du crime, ce qui permettait de laisser un peu de patrimoine aux enfants du suicidés.
B. Les atteintes aux personnes
- les homicides
Au MA le terme d'homicide paraît avoir été réservé au cas particulier de la mort infligée au cours d'une rixe (bagarre). Le mort meurtre correspondait à un homicide prémédité que l'on appellerait aujourd'hui "assassinat". Plus précisément au MA le meurtre supposait une préparation ou une organisation préalable, comme un guet-apens (piège) ou alors un empoisonnement (qui suppose toujours la préméditation lorsqu'il est volontaire). Mais au delà de ces fluctuations au MA, purement sémantiques, la distinction fondamentale qu'il existait entre les homicides était l'homicide simple par rapport à l'homicide aggravé.
L'homicide simple pouvait être volontaire ou involontaire. En cas d'homicide volontaire le délinquant avait la possibilité de faire valoir des faits justificatifs. Par exemple, il pouvait faire valoir l'excuse de provocation ou la légitime défense. Mais en cas d'homicide excusable les juges n'avaient pas le droit de relaxer le coupable. Au MA s'était en effet imposé un adage qui disait que "tout homme qui tue est digne de mort s'il n'a lettre du prince" ; autrement dit tout homicide entraîne la peine de mort et seul le roi peut décider de dispenser le coupable de sa peine.
Par contre la simple tentative d'homicide n'était pas punie de la même manière qu'un homicide réussit. On considérait que si la victime de la tentative survivait au moins 40 jours car, dans ce cas, il n'y avait pas d'intention de tuer chez le coupable. Cependant cette indulgence disparaissait si la préméditation pouvait être démontrée. De cette hypothèse on ne se trouvait plus dans le cas d'un homicide simple mais dans le cas d'un homicide aggravé. Et effectivement la forme la plus courant d'homicide aggravé était l'homicide prémédite, appelé meurtre. Du fait même de la préméditation aucune excuse n'était envisageable.
L'empoisonnement était considéré comme un meurtre particulièrement grave. Il était associé depuis le MA à la sorcellerie parce que, pour empoisonner quelqu'un, il faut une connaissance particulière des plantes capables de tuer (donc tout ça était lié à la magie, sorcellerie). Les empoisonneurs étaient généralement livrés aux flammes ou pendus.
Quant à l'abus de l'enfant, au MA, cette vie avait quelque chose d'intouchable. En pratique la justice punissait assez indifféremment le meurtre du nouveau-né, donc l'infanticide, l'avortement volontaire et ce qu'on appelait l'encis, c'est-à-dire le fait de porter des coups à une femme enceinte ce qui la fait avorter. Punir l'avortement n'était pas facile (on considérait qu'il ne l'était que si l'embryon était déjà doté d'une âme immortelle), comme la plupart des théologiens les juristes considéraient généralement que l'animation (le fait d'être doté d'une âme pour l'embryon) survenait 40 jours après la conception. Mais comment connaître la date ? Cela posait au MA un problème de preuve quasiment insoluble. Également la justice avait du mal à faire la différence entre une fausse couche et un véritable avortement. De même il pouvait être très difficile de faire la distinction entre un infanticide et un enfant simplement mort-né. En l'état de connaissances médicales rudimentaires, tout cela était laissé à l'appréciation de la justice.
- les injures