Droit constitutionnel : Vè Rép - 7
2) la responsabilité politique du Gouvernement
Se présente d’une manière particulière car double :
- elle se manifeste devant l’Ass N, principe même du régime parlementaire, l’une des exigences constitutionnelles, ART 20 : « le gouvernement est responsable devant le Parlement ». Ce n’est pas tout à fait exact puisqu’il ne l’est que devant l’Ass N.
- elle existe non pas dans la C mais dans la pratique, dans le cadre de la pratique politique, devant le président, l’une des manifestations parmi d’autres de l’effacement du Parlement.
a) devant l’Ass N
Cette responsabilité politique voit ses conditions fixées par l’ART 49-C qui prévoit 3 formes de mises en jeu de cette responsabilité devant l’Ass N. Ce sont les 3 premiers alinéas :
- « la question de confiance » : alinéa 1 : le 1er ministre peut engager la responsabilité - collégiale - du gouvernement devant l’Ass N sur son programme ou sur une déclaration de politique générale. C’est la décision du 1er ministre mais doit faire l’objet d’une délibération préalable. Il n’y a pas de différence conceptuelle entre programme ou déclaration de politique générale. Ce qu’il faut retenir c’est que, comme toute question de confiance, c’est un mécanisme à la libre disposition du gouvernement. Ce que l’on remarque c’est que cette procédure est utilisée fréquemment au moment de l’entrée en fonction du gouvernement, ce n’est pas nécessaire mais il se présente par ce mécanisme devant l’Ass N. Il y a donc un vote de l’Ass N et, ce qui est précisé par la C, c’est que si ce vote fait l’objet d’un rejet à la majorité simple, le gouvernement doit alors démissionner : il y a une conséquence juridique à l’éventuel rejet du vote.
Sous la Vè, et dans la pratique, il n’y a jamais eu de rejet de cette « question de confiance », sur une trentaine d’utilisations de cette procédure jamais le gouvernement n’a été désavoué. Il n’utilise cette procédure que lorsqu’il est assuré de ne pas être renversé.
- deuxième alinéa : une motion de censure que l’on peut qualifier de « spontanée » est prévue. C’est un vote qui intervient sous l’initiative des parlementaires. Les conditions sont les suivantes :
> doit être déposée par 1/10 au moins des députés de l’Ass N, soit actuellement 58 députés, première limite, exigence d’une proportion de députés
> le vote doit intervenir 48h après le dépôt de la motion, élément de procédure établit en 1958 afin d’imposer un délai de réflexion aux parlementaires (car trop fréquemment utilisé sous les 3è et 4è républiques).
> lorsque le vote intervient, l’adoption d’une motion de censure est soumise à des conditions strictes et difficiles à réunir en raison de deux exigences :
- le vote de la motion de censure doit intervenir à la majorité des membres composant l’Ass N : cela veut dire que ce que l’on comptabilise ce ne sont pas les membres présents le jour du vote, soit 289 actuellement. Si le jour du vote il n’y a que 300 députés présents la majorité restera telle, contrairement aux votes sur les lois ordinaires.
- le système de comptage des votes, qui est particulier : seuls les votes favorables à la motion de censure sont recensés, ce qui signifie que l’on ne compte pas les votes de ceux qui soutiennent le gouvernement ou ceux qui se sont abstenus. Cela participe de la volonté de limiter les motions de censure sous la Vè Rép : il est beaucoup plus difficile de mettre le gouvernement en minorité. Par exemple : imaginons qu’une motion de censure soit votée et qu’il y ait 270 voix pour la motion de censure, la majorité n’est pas atteinte. Mais si on comptabilisait les autres types de votes cela changerait la donne : il y aurait 250 votes contre le gouvernement, par exemple, et 57 votes abstentionnistes. Quel sera le résultat ? La majorité ne serait pas atteinte mais il y aurait une situation où le gouvernement serait mis en minorité. C’est donc un système qui est favorable au gouvernement puisque cela correspond à une « inversion de la charge de la preuve » puisqu’elle pèse sur les auteurs de la motion de censure qui doivent prouver qu’ils réunissent une majorité, et non au gouvernement de prouver qu’il y a une majorité de députés qui le soutient. Cette situation a été celle de la 4è Rep, qui a renversé de nombreux gouvernements. On présume donc que ceux qui ne se sont pas prononcés contre le gouvernement le soutiennent encore, « qui ne dit mot consent ».
S’agissant sur la pratique de cette motion de censure, on peut dire que c’est un système qui a fonctionné parce qu’une seule a été adoptée sous la Vè Rép, celle de 1962 dans le cadre du renversement du gouvernement Pompidou. Deux autres fois proches : 1990 a échoué à 5 voix contre le gouvernement Rocard, et en 1992 à 3 voix près contre celui de Beregovoy.
A quoi sert-elle sous la Vè ? C’est une procédure qui est utilisée surtout d’un point de vue symbolique, comme un moyen d’expression de l’opposition. Il arrive fréquemment qu’elle dépose des motions de censure, 1/10 des députés sont suffisant ; mais ils savent par avance qu’ils n’ont aucune chance. C’est quelque chose qui, d’un point de vue médiatique, symbolique, peut avoir du sens : il y a toute une procédure, chaque chef de groupe parlementaire dispose d’un certain temps d’expression à la tribune de l’Ass, c’est une manière de marquer une position forte sur une mesure particulière, il a débat, etc.
- alinéa-3, dit familièrement « 49-3 » (mais 49 alinéa 3) : c’est ce qu’on peut qualifier d’une motion de censure « provoquée ». Il s’agit d’une sorte de combinaison de la question de confiance et de la motion de censure. Il s’agit, en fait, de l’une des armes essentielles du gouvernement dans la procédure parlementaire. La premier ministre peut engager la responsabilité du gouvernement devant l’Ass N sur le vote d’un texte (et non sur un programme par exemple), après délibération du Conseil des ministres. Le texte, ensuite, est adopté sans vote des députés, sauf, et c’est là que la motion de censure intervient éventuellement, si celle-ci est déposée dans les 24h. C’est un moyen de pression du gouvernement sur sa majorité en cas de dissension, ou en cas de volonté manifeste d’obstruction de la part de l’opposition, de dire aux députés que le seul moyen pour les députés d’aller contre le texte est de renverser le gouvernement. Ainsi des députés ne souhaitant pas aller jusqu’à la motion de censure peuvent être dissuadés et s’abstenir. Le gouvernement peut donc faire un adopter un texte sans les députés. C’est donc un moyen contraignant, une arme forte dans les mains du gouvernement.
Cet ART 49 alinéa a été utilisé sous la Vè Rep de manière inégale, en tout 89 fois. Il se peut que pour un seul texte l’ART soit utilisé 3 fois. La dernière utilisation en date date de janvier 2020, sur la réforme des retraites, cf Edouard Philippe, qui faisait débat et a été mise en suspens du fait du covid. Cette procédure a été utilisée très souvent par le gouvernement Rocard, la magistrature de Mitterrand était alors faible.
Il y a certaines périodes où, à l’inverse, elle est tombée dans le sommeil, par exemple 97-2002, 2006-2015. Les raisons sont notamment dues aux critiques. Cette procédure est toujours analysée comme un coup de force, un déni de démocratie ou des pouvoirs du Parlement. En 200- l’utilisation a été assez malheureuse politiquement pour le gouvernement de De Villepin à propos du CPE (contrat première embauche, défavorable à l’emploi des jeunes). Il avait organisé cette procédure pour faire adopter le texte qu’il a du au final retirer, ce qui montre que parfois le gouvernement doit faire preuve de discernement et faire attention à ne pas apparaître comme utilisant un pouvoir excessif, alors même que la C lui donne ce pouvoir. Une telle procédure est apparue dans les dernières années de la 4è Rep.
S’agissant du Sénat, cette procédure n’existe pas, le gouvernement n’a d’autre choix que de faire voter le texte, même si c’est un vote de rejet. Pourquoi ? Parce que le Sénat ne peut pas adopter une motion de censure, et donc il ne peut pas le faire ici.
De manière générale le Sénat ne peut pas contraindre le gouvernement à la démission parce qu’il n’est pas élu au suffrage universel direct, contrairement à la 3è Rep. Il existe toutefois une possibilité :
- alinéa : possibilité pour le Gouvernement de prononcer devant le Sénat une déclaration de politique générale, c’est-à-dire qu’en cas de rejet il n’y a pas d’obligation de démission. Meilleure preuve en est qu’il y déjà une telle déclaration rejetée en 2019, le gouvernement d’Edouard Philippe a prononcé une déclaration de politique générale qui a fait l’objet d’un vote négatif au Sénat. Il n’a pas démissionné car ce n’est pas imposé par la C et qu’on considère que le manque de légitimité démocratique du Sénat l’empêche de le faire.
b) devant le président de la république
Lorsqu’on parle de responsabilité politique du Gouvernement devant le président de la république c’est une procédure qui n’est pas prévue par la C (plus précisément par l’ART 8-C), qui ne prévoit que la démission du Gouvernement. Cela peut être une démission spontanée ou provoquée par une motion de censure, mais en aucun cas on ne trouvera une disposition qui prévoit que le Président peut démettre de ses fonctions le gouvernement. C’est une question débattue en 58 : le projet de De Gaulle était que le président puisse décider de mettre fin aux fonctions du Gouvernement, la question a été débattue et finalement y avait renoncé, en déclarant qu’effectivement il ne pourrait pas le faire, dans le texte de la C, de l’initiative du président. C’était une concession pour obtenir un soutien plus large pour la C, or dès le début la pratique de De Gaulle a démontré qu’il existe une véritable obligation de démission sur décision du président de la Rép, cf 61 lorsqu’il se sépare de Michel Debré.
Le mot d’obligation est choisi. C’est une obligation politique et non juridique, comme dans le cas de l’ART 49-C, incontestable et qui a une force à peu près égale dans la Vè Rep à celle d’une obligation juridique, par exemple Edouard Philippe remplacé par Castex. Lorsque le président de la Rep le décide le 1er ministre n’a d’autre choix, politiquement, que de démissionner.
En conclusion : on peut dire que, sous la Vè Rép, le 1er ministre et le gouvernement sont presque exclusivement responsables devant le président de la république. De ce point de vue, l’Ass N est une chambre d’enregistrement de la volonté du président.
Il n’y a que deux démissions qui ne résultent pas de la volonté présidentielle : 1962, motion de censure dans des conditions particulières qui ne se sont pas reproduites, et celle de Chirac en 76, qui avait été nommé ministre par d’Estaing et qui avait démissionné car début de leur long conflit personnel et politique.
Section 2 – Les pouvoirs de l’exécutif
I. Les pouvoirs du président de la République
A. La définition de la fonction présidentielle (ART 5-C)
ART 5, alinéa 1 : « Le président de la Rep veille au respect de la C. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’E »
alinéa 2 : « Il est le garant de l’indépendance nationale, de l’intégrité du territoire et du respect des traités ». Portée symbolique : c’est la première fois que la fonction de président de la Rep fait l’objet d’une définition générale, ce qui marque l’importance qu’on accorde à la fonction. On peut rattacher cela à la place occupée par le président dans la C, cf Titres.
Quel est le sens de cet article sur le fond ? On remarque que le rôle du président de la Rép est celui de simple arbitre. Qu’est-ce à dire ? Cela renvoie à l’idée d’une fonction neutre et impartiale, purement institutionnelle, qui ne soit pas une fonction politique. De ce point de vue cette définition aurait pu correspondre à ceux de la 3è ou 4è Rép, mais la pratique de la Vè est tout autre : elle ne correspond pas à cette conception limitée et neutre de la fonction d’arbitre, c’est au contraire un rôle politique actif, fort. On peut donc dire que dans la pratique cette fonction d’arbitre est une fonction d’arbitre au sens fort, c’est-à-dire qu’elle implique de décider, de trancher.
B. Les attributions constitutionnelles du président de la république
Distinction entre deux types d’actes :
- le contre-seing ministériel : c’est une institution fondamentale du régime parlementaire qui signifie qu’en principe tout acte du chef de l’E doit être contresigné par un ministre au moins, c’est-à-dire que le ministre apporte lui-même de sa signature l’acte du président. Quelle est la fonction de cette procédure ? A l’origine il s’agissait d’une simple authentification de l’acte, c’est-à-dire que la signature du ministre témoignait que l’acte existait, un peu comme en droit privé (par exemple en allant chez le notaire), issu d’une époque où le roi avait l’essentiel des pouvoirs. Progressivement les choses ont évolué (histoire du régime parlementaire anglais) et ce contre seing ministériel a cessé d’être automatique et systématique puisque ce n’était pas un choix pour le ministre de signer ou non, et a été l’outil par lequel le pouvoir a été transféré du roi aux ministres, et c’est ainsi que le roi a perdu notamment ses pouvoirs.
Les décisions sont devenues celles des ministres qui acceptaient ou non de signer et qui sont devenus les vrais décideurs. La reine d’Angleterre, par exemple, est l’auteur juridique des actes et l’auteur contre-signe mais c’est le 1er ministre qui a la décision politique dans le système démocratique anglais. Tout cela s’explique aussi par un contexte général de développement de la responsabilité politique devant le Parlement : les ministres encourraient des risques de mise en accusation pour certains actes. Le Parlement ne peut toujours pas mettre en cause le roi ou la rein d’Angleterre, donc pour des actes du roi, notamment 17è siècle, comme le Parlement ne pouvait pas engager de procédures il a décidé de rendre responsables les ministres en raison de la contre-signature, c’est la procédure de l’empeachment. Les ministres ont donc progressivement refusé d’encourir le risque d’être désavoués par le Parlement. C’est ce processus qui a marqué sur plusieurs siècles ce processus.
Au regard de la Vè Rép : dans la C il y a un ART 19 qui pose le principe selon lequel les actes du président de la Rép sont contre-signés par le 1er ministre et, le cas échéant, par les ministres responsables (mais, à rebours de l’histoire du régime parlementaire, il y a eu un transfert inverse sous la Vè Rép). Si l’on s’est tient à la règle, on peut ajouter qu’il y a des exceptions au principe du contre-seing ministériel, pour certains actes du président il n’est pas nécessaire de l’obtenir. Cela n’est pas anodin : c’est la manifestation de l’autonomie du chef de l’E, cf volonté de De Gaulle de renforcer les pouvoirs du président.
1) les actes du président dispensés de contre-seing ministériel
On rencontre parfois cette notion sous le terme de « pouvoirs propres du président de la Rép », marquant qu’il peut exercer ses pouvoirs sans contre-seing, mais sur le plan juridique l’expression n’est pas exacte et son emploi n’est pas à privilégier car certains de ces pouvoirs ne peuvent pas, au sens strict, être qualifiés de pouvoirs propres dans le sens où le président serait totalement indépendant dans son exercice.
Selon l’ART 19-C on peut classer en 6 séries ces attributions :
a) la nomination du 1er ministre
ART 8-C alinéa 1. Ce pouvoir est l’un des premiers cités s’exerçant sans contre-seing ministériel. Rappel procédure de nomination : 1er ministre sans contre-seing, mais les autres ministres doivent se fait par contre avec contre-seing.
b) le référendum législatif
ART 11-C : permet, pour rappel, au président d’organiser un référendum. Mais il n’est pas au sens strict un pouvoir propre car, formellement, il ne peut le faire que sur proposition du gouvernement ou des assemblées. On ne peut pas qualifier ce pouvoir de pouvoir propre car il ne peut pas, de sa seule initiative, l’utiliser car nécessite une proposition préalable, mais l’organisation même du référendum est faite sans contre-seing ministériel.
c) la dissolution de l’Ass N
Ce pouvoir est prévu à l’ART 12-C, qui ici peut être véritablement qualifié de pouvoir propre, même inconditionnel du président, une des innovations de la Vè car cet article rétablit un pouvoir de dissolution tombé en désuétude sous les 3è et 4è, cf crise de 1877 après quoi le président n’a plus jamais pu utiliser le droit de dissolution. Sous la 4è : dissolution à certaines conditions, ce n’était pas un pouvoir libre et inconditionnel pour le président de la Rép. S’inscrit dans le renforcement du pouvoir exécutif face au législatif.
Concernant la procédure : c’est une décision qui revient au président seul mais il y a une formalité, le président avant de dissoudre droit consulter le 1er ministre et les présidents des Ass – mais même s’ils manifestent leur opposition le président pourra procéder à la dissolution de l’Ass N.
Autre limite : ne peut pas être prononcée dans un délai d’1 an après de nouvelles élections législatives. Mais dès lors que cette dissolution est décidée de nouvelles élections doivent intervenir entre 20 et 40 jours après la décision.
Sur son utilisation : a été utilisé à 5 reprises sous la Vè Rép, pour des motifs différents :
- 1962, mesure de rétorsion de De Gaulle dans un contexte de renversement du Gouvernement Pompidou.
- 1968, après les évènements de mai, le but était ici de réaffirmer la légitimité du pouvoir. Une majorité importante, favorable à De Gaulle a été réélue et interprété comme un soutien au pouvoir.
- 1981 et 1988 : décidées par Mitterrand dans deux situations identiques. Juste après son élection a décidé de dissoudre l’Ass N qui lui était opposée. C’était les conditions antérieures au quinquennat.
- 1997, Chirac, qualifiée de « dissolution tactique » ou « à l’anglaise », pratique commune à l’Angleterre. Le président a voulu choisir le meilleur moment, au regard des sondages notamment, pour obtenir une majorité à l’Ass N. Chirac a été élu en 95, l’Ass en 93 et comme favorable à Chirac au début mais, en 97 Chirac a décidé de dissoudre a a estimé qu’il avait plus de chances de dissoudre pour avoir une majorité mais cela a été un échec puisqu’a contraint Chirac à la cohabitation.
Il a présenté son utilité dans différents contextes mais on peut se demander si ce pouvoir est aujourd’hui encore utile. La question peut se poser en raison de la concordance des durées de mandats présidentiels et législatifs depuis 2002, puisqu’à chaque fois le président est assuré d’une majorité durant la totalité de son mandat.
d) les pouvoirs exceptionnels de l’ART 16-C
Quelques mots sur ce que représente cette disposition emblématique de la Vè : c’est la possibilité offerte au président d’exercer des pouvoirs exceptionnels en temps de crise sur le modèle de la dictature romaine antique, qui permettait de donner les pleins pouvoirs à un magistrat. Cet ART 16 a été voulu par De Gaulle, évoqué dans le discours de Bayeux déjà, en souvenir de 1940 – envahissement d’une grande partie du territoire française, vote des pleins pouvoirs à Pétain, il y avait alors A. Le Brun (?) en président de la Rép qui était impuissant face à la situation et ne disposait pas de prérogatives lui permettant d’exercer des pouvoirs exceptionnels dans le temps de crise.
Cet ART 16 a été utilisé une fois sous la Vè, en 1961, dans le contexte de la guerre d’Algérie alors qu’il y avait eu le putsch des 4 généraux à Alger qui menaçaient d’un coup d’E en métropole. Il a été utilisé durant 5 mois, d’avril à septembre, ce qui a suscité des doutes sur son utilisation.
Règles et conditions fixées par l’ART 16, vues sous 3 angles :
> la décision de mettre en œuvre l’ART 16
C’est un véritable pouvoir propre car seul le président de la Rép décide si les conditions sont réunies pour le mettre en œuvre. Mais cela signifie quand même des conditions, fixées par le texte, et des formalités imposées.
> les conditions
Il fixe d’une part deux conditions cumulatives – doivent être présentes toutes les deux : une menace grave et immédiate pesant sur les institutions de la Rép, l’indépendance de la N, l’intégrité du territoire ou l’exécution des engagements internationaux.
Deuxième condition : il faut que soit constatée l’interruption du fonctionnement régulier des pouvoirs publics constitutionnels.
Ces formules sont générales et se prêtent à interprétation, suffisamment larges précisément pour que l’ART 16 ne représente par une contraindre dans une situation que, par définition, on ne peut pas prévoir à l’avance.
Il y a également deux types de formalités : d’une part le président de la Rép doit consulter le 1er ministres, les présidents des Ass et le Conseil constitutionnel dont l’avis est rendu public – mais qui ne lie pas le président de la Rép ; d’autre part le président doit informer la nation par un message, dont la forme n’est pas précisée
Ce que permet l’ART 16 : les pouvoirs du président de la Rép sont étendus, il prend les mesures exigées par les circonstances. Là aussi, formulation générale pour ne pas limiter le champs des possibles. L’ART 16 précise toutefois que ces mesures doivent viser à rétablir dans les meilleurs délais le fonctionnement normal des institutions, manière pour le texte constitutionnel de dire que ces prérogatives étendues doivent être strictement étendues à ce but et non le prétexte ou le moyen pour un dictateur de s’accaparer les pleins pouvoirs.
Il existe toutefois un contrôle de l’utilisation de l’ART 16 par les autres branches du pouvoir : le Parlement et le Conseil constit.
- le Parlement : l’ART 16 prévoit une protection spécifique, énonce que « durant la période d’application de l’ART 16 le Parlement se réunit de plein droit » (en temps normal il ne se réunit pas de manière permanente). Il est interdit de dissoudre l’Ass N. Le Parlement peut exercer un contrôle parlementaire « classique », c’est-à-dire qu’il peut organiser des débats, qui sont publics, adopter des résolutions, donc manifester son opinion, créer une commission d’enquête. Il peut également mettre en œuvre la procédure de destitution du président de la république.
- le Conseil constitutionnel, quant à lui, est consulté par le président de la Rép sur chaque mesure prise en application de l’ART 16. C’est une simple consultation et ses avis ne sont pas publics. Son impact est forcément limité mais cela peut attirer l’attention du président de la Rép.
Par ailleurs, depuis la révision constitutionnelle de 2008, le Conseil constit peut être saisi après 30 jours d’utilisation de l’ART 16, saisi notamment par les présidents des Ass ou 60 parlementaires, mais aussi être saisi d’office après 60 jours d’utilisation de l’ART 16. Il peut rendre à cette occasion un avis public sur le fait de savoir si les conditions de l’ART 16 sont toujours réunies. Cette révision a sans doute été motivée par le souvenir de 1961.
e) les messages et discours adressés aux Parlement
Rappel:depuis 1875 le président de la Rép est interdit d’accès aux Chambres – prémisse de la 3è, de la domination du Parlement, et en particulier parce que jusqu’en 1873 le Parlement avait cherché à réduire les prérogatives du président cf Thiers, talent oratoire convainquant, influence sur l’Ass. Cette règle est restée mais cela a changé depuis 2008 où le président peut se présenter devant le Congrès. Il faut faire référence à l’ART 18-C : (sans contre-seing ministériel) il existe deux manières de communiquer avec le Parlement, mais cela pose certains problèmes car en principe le président n’est pas responsable politiquement devant le Parlement.
> 1er moyen, le seul de 1875 jusqu’en 2008 : adresser des messages au Parlement, généralement lus par le président de l’Ass, possibilité utilisée 18 fois sous la Vè Rép. Tous les présidents avant Sarkozy l’ont utilisé, avec des moments privilégiés notamment au moment des élections présidentielles et législatives, où durant l’engagement des forces armées en Irak. Le contenu de ces messages est intéressant car renseigne sur la conception du pouvoir des présidents de la Rép, mais d’un point de vue politique la portée est limitée.
> depuis la révision de 2008, sous l’influence de Sarkozy, le président de la Rép peut aussi prendre la parole devant le Parlement réunit en Congrès mais il doit immédiatement quitter l’enceinte du Congrès, et les membres peuvent ensuite débattre entre eux, débat qui cependant est sans vote, hors la présence du président de la Rép. Pourquoi ces précautions ? Parce qu’il ne faut pas que cela aboutisse à une mise en cause de la responsabilité politique du président.
C’est une procédure hybride, pas très satisfaisante, critiquable. Les parlementaires ne peuvent pas répondre, de plus cela se passe à Versailles, à chaque fois que la procédure a été utilisée a été perçue comme un mascarade. Elle a été utilisée 4 fois depuis 2008 : une première fois en 2009 après l’élection de Sarkozy, l’opposition avait boycotté ; la deuxième fois au lendemain des attentats de novembre, Hollande avait notamment annoncé la déchéance de nationalité qui n’avait pas abouti ; Macron, en 2017 et en 2018. En 2017, lors de son 1er discours, où il avait annoncé vouloir faire de ce discours une pratique annuelle. Cette disposition reste pour l’heure quelque chose d’insignifiant.
f) les relations avec le Conseil constit
Référence à deux séries d’actes du président :
- ART 56 qui prévoit que le président procède à la nomination de 3 membres du Conseil constit sur 9, dont le président du Conseil, même si soumis à l’avis des commissions parlementaire donc ce n’est plus un pouvoir exclusif mais toutefois exercé sans contre-seing
- ART 64 et 51 qui permettent au président de saisir le Conseil constit d’un traité international ou d’une loi pour contrôle la conformité de ces textes à la C.