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Droit civil [la preuve] - 3 (fin)

A. Le principe


ART 1359 : « l’acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédent une valeur fixée par décret […] que par un autre écrit sous signature privée ou acte authentique. »

Deux règles :

- la preuve d’un acte juridique supérieur à 1 500€ doit être faite par écrit. On ne peut pas prouver par témoignage ou par présomption un acte juridique supérieur à 1 500€. Cela veut dire que les petits contrats peuvent être prouvé par tout moyen, mais cela n’interdit pas de faire un contrat (pas obligatoire mais possible).

- deuxième règle : il ne peut être prouvé contre et outre un écrit, qui constate un acte juridique, même inférieur à 1 500€, que par un autre écrit.

Doit-on produire un écrit original ? Une copie, à la condition qu’elle soit fiable, a la même force probante que l’originale. Peu importe que l’original ne puisse pas être produit, la copie fait pleine preuve du contrat si cette copie est fiable.

Qu’est ce qu’une copie fiable ? Là est la difficulté. Le juge a un pouvoir d’appréciation pour déterminer si une copie est fiable et donc si cette copie a la même valeur probante que l’originale. Pour qu’une copie soit considérée comme fiable il faut qu’elle revêt deux caractères :

- être fidèle (la fidélité est un élément important en droit), c’est-à-dire qu’elle soit conforme à l’originale, qu’elle constitue une reproduction identique de l’originale.

- être durable, que sont intégrité ne s’altère par dans le temps et donc la fiabilité de la copie est appréciée par le juge. A partir du moment où il l’estime fiable, elle fait preuve comme l’acte original. En revanche si la copie n’est pas fiable le juge ne va pas considérer, alors, qu’elle a la même valeur que l’originale. Néanmoins le juge pourra considérer que cette copie vaut « commencement de preuve » par écrit. Dans ce cas il faudra que cette copie, pour faire preuve, soit complétée.

II. Les exceptions prévues par la loi

La loi autorise parfois à prouver autrement que par écrit, dans deux hypothèses principales :

A. Commencement de preuve par écrit

ART 1362 : c’est un écrit qui émane de celui qui conteste un acte et qui rend vraisemblable ce qui est allégué.

Cela peut être une lettre qui n’est pas destinée à faire preuve, par exemple.

- tout écrit quelconque qui ne peut pas valoir écrit en droit

- émane de celui qui conteste un acte et non de celui qui se prévaut d’un acte : il provient du défendeur à la preuve et non du demandeur à la preuve. Explications : par exemple je vend une bouteille d’eau 5€ mais la somme n’est pas payée. Je suis le demandeur à la preuve et je n’ai aucun écrit signé, qu’un papier disant « Ok pour achat bouteille 5€ », sans signature mais avec écriture. Il ne peut pas valoir écrit, n’étant pas signé. Cet écrit émane du défendeur à la preuve et va permettre de prouver la demande.

- qui rend vraisemblable le fait allégué. Commencement de preuve dit preuve incomplète : il faudra d’autres éléments pour la compléter, c’est-à-dire des éléments extrinsèques aux éléments de preuve.

Dans ce cas là on peut avoir recours au témoignage des étudiants.

B. Impossibilité de produire un écrit

La preuve par tout moyen sera alors admise.

1. ART 1360 CC

Deux hypothèses :

- lorsque impossibilité matérielle ou morale d’établir un écrit.

Morale : il est impossible d’exiger la rédaction d’un écrit, par exemple des relations de confiance entre personnes, liens familiaux etc.

Matéirlle : il n’y avait pas la possibilité d’établir l’écrit, par exemple deux mains cassées ou ne pas savoir écrire. Cette possibiltié est appréciée par les juges.

- lorsqu’un écrit avait été antérieurement établi mais qu’il est impossible de produire en raison de sa destruction. Cette impossibilité est admise si et seulement si la destruction de cet écrit résulte d’un cas de force majeure. Exemple : une maison a brûlé, entraînant avec l’incendie la perte de l’écrit. Dans ce cas si la perte de l’écrit antérieurement établit résulte d’un cas de force majeure, alors la preuve par tout moyen sera possible.

2. Exceptions prévues par une convention, par les parties :

Lorsqu’un texte n’est pas d’ordre public : prévoit des dispositions qui s’appliquent lorsque les parties ne disent pas autre chose ; encore faut-il qu’elles fassent une convention sur la preuve « Je n’appliquerai pas l’ART 1359 », les parties acceptent que le fournisseur du produit fasse la preuve du montant qui lui est du par un relevé informatique qu’il produit (preuve auto-constituée).

Exemple : une convention sur la preuve est signée pour l’abonnement téléphonique, et la preuve est fournie par le biais d’un relevé, d’un compteur. Ce relevé est établi par le fournisseur, c’est-à-dire celui qui est demandeur à la preuve (qui demande le paiement). C’est une preuve auto-constituée, qui normalement ne vaut pas : le contrat d’abonnement autorise et s’écarte de l’ART 1359 en autorisant la preuve auto-constituée. En revanche si un fournisseur demande le paiement d’un abonnement qui n’a pas fait suite à un contrat il n’y a pas de convention donc pas de preuve.

Sous-section 3 : la licéité de la preuve

Il faut distinguer ici le droit civil du droit pénal.

ART 9 CPC : « il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits qui sont nécessaires au succès de ses prétentions ».

Idée: la preuve ne justifie pas les moyens. En effet le principe est que la preuve doit être obtenue sans fraude, sans violence et sans violation des droits fondamentaux de la personne et notamment sans violation du droit au respect de la vie privée.

Or, parfois, pour prouver, il faut produire des documents qui relèvent de la vie privée ou obtenus à l’issue de la personne. Exemple : si on est dans un procès en divorce pour adultère, bien souvent un détective suivra la personne volage et il y a là atteinte à la vie privée de la personne mariée – il faut parfois porter atteinte à la vie privée pour établir la faute. Exemple 2 : pour prouver que les salariés volent dans une entreprise des caméras de surveillance sont installées.

S’agissant du droit civil l’assemblée plénière (qui réunit toutes les chambres de la Cour de cassation) a posé le principe, le 7 janvier 2011, de loyauté dans l’administration de la preuve, principe qui implique que le procédé, pour obtenir la preuve, ne soit pas caché à la personne à qui on entend opposer la preuve ainsi obtenue ; qu’il n’y ait pas eu recours à des stratagèmes pour recueillir la preuve. Ce qui est critiqué c’est lorsqu’une personne essaye d’obtenir une preuve à l’insu de son adversaire en enregistrant une preuve sans le prévenir. De tels procédés déloyaux, en droit civil, empêche à celui qui y a eu recours de les utiliser en justice.

Néanmoins c’est le fait d’obtenir la preuve à l’insu de la personne mais, si la personne à qui on va opposer une personne, a envoyé un message à la personne ou a enregistré un message à son adversaire, la personne doit savoir que le message peut-être enregistré et donc l’adversaire pourra enregistrer ce mode de preuve sans que cela soit déloyal.

Récemment la Cour de cassation a néanmoins vu que l’illicéité de la preuve ne la rend pas nécessairement irrecevable. Dans cette espèce, cf arrêt à étudier

- Affaire Petit bateau, cf fiche TD 1 et 2, 30 septembre 2020

Dans cette affaire une salariée avait publié sur son compte facebook la dernière collection de la marque. Amie avec d’autres salariés de l’entreprise, ceux-ci ont prévenu l’employeur en lui signalant que la salariée publiait les informations secrètes. L’employeur, ayant obtenu les photos d’un autre salarié ami avec elle, a licencié la salarié. Elle avait fait un procès à l’employeur pour considéré que l’employeur avait porté atteinte à sa vie privée, puisqu’ayant eu accès à des informations sur son profil privé, et justifiait ainsi de ne pas retenir la preuve de l’employeur à son encontre.

La Cour de cassation dit deux choses :

> la preuve a été obtenu de façon loyale en ce sens que l’employeur n’a eu recours à aucun stratagème pour obtenir cette preuve, c’est un des salariés qui lui a transmis la preuve. Néanmoins

> elle juge que le procédé, sans doute loyal, mais cette preuve porte atteinte à la vie privée de la salariée puisque le compte était privé. La preuve était donc illicite et le procédé loyal.

La Cour de cassation admet néanmoins que cette preuve illicite pouvait être en l’espèce recevable en justice à la double condition :

> il faut que cette preuve soit indispensable pour permettre l’exercice du droit à la preuve : sans cette preuve illicite l’employeur ne pourrait pas faire la preuve.

> l’atteinte portée à la vie privée de la salariée doit être proportionnée aux intérêts antinomique en présence, au but poursuivi, à savoir permettre à l’employeur de faire la preuve.

L’atteinte réalisé à la vie privée de la salariée doit être proportionné au but poursuivi, ce sont les deux conditions : on ne peut porter une atteinte très grave à la vie privée pour permettre l’exercice du droit à la preuve. Mais ce n’est pas parce que la Cour de cassation admet à certaines conditions strictes que certaines preuves illicites peuvent être présentées qu’elle abandonne la notion de loyauté de la preuve : en l’espèce l’employeur n’avait pas fait usage d’un procédé déloyal. Mais, selon la prof, s’il avait fait un usage déloyal (se faire passer pour un ami, pirater le compte facebook, etc), il y aurait eu déloyauté et alors, sûrement, peu importe qu’il n’aurait pas pu faire autrement qu’en piratant par exemple, la Cour de cassation aurait refusé la preuve. La loyauté de la preuve est une notion qui ne peut/ne doit pas avoir de limites.

En droit pénal l’exigence de loyauté s’applique également mais de manière beaucoup moins intense qu’en droit civil. Est-ce que les agents de police peuvent recueillir des preuves à l’insu de la personne en utilisant des stratagèmes ? Il faut distinguer, et la Cour de cassation le fait :

> d’une part les agents de l’autorité publique ne peuvent pas provoquer la commission d’une infraction et utiliser ensuite les enregistrements qui seraient faits à l’insu du délinquant pour prouver qu’il y a eu infraction. Si un agent de police utilise un stratagème pour constater une infraction qu’il n’a pas provoqué elle sera cependant admise en justice car il aura constaté une infraction qu’il n’aura pas provoquée.

- affaire de la sextape, footballeurs : deux footballers dont l’un voulait faire du chantage à l’autre, et la police s’était faite passée pour le représentant de la victime et ont enregistré une conversation ; cette preuve a été admise pour constater l’infraction qui était en train de se dérouler, par pour la provoquer.

Néanmoins la Cour de cassation a dit qu’il est possible de provoquer la preuve de la réalisation d’une infraction à la condition qu’il n’y ait pas de violation des droits essentiels des parties, en particulier le droit de se taire, c’est-à-dire celui de ne pas s’auto-incriminer.

- enregistrement de deux gardés à vue, la Cour de cassation a dit qu’ils avaient enregistré alors que les personnes avaient le droit de se taire, la preuve est alors irrecevable.

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