Droit administratif - 1
Préambule :
Droit administratif par rapport au droit constitutionnel : cedernier est l’étude des organes supérieurs de l’E, le second des nature « inférieure », des organes administratifs. Continuité et logique entre les deux cours.
Cette matière est fondamentale pour tout juriste. Quelques exemples :
Juin dernier : le tribunal administratif considère que le manque de stocks de manque au début de la crise du COVID est une erreur de l’E. Le droit administratif est partout.
Crise énergétique, tarif de l’électricité : EDF a saisi le conseil d’E pour contester une obligation que l’E a mis à la charge d’EDF pour vendre l’électricité à un tarif bloqué dans un but de préservation du pouvoir d’achat des consommateurs. EDF réclame un dédommagement de plusieurs milliards d’euros. Ici le jeu administratif se retrouve encore comme l’arbitre des grands équilibres.
Ouverture au monde, intérêt pour la chose publique.
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Il ne s’agit pas seulement d’apprendre mais de comprendre le droit administratif. L’histoire de France la façonne. On ne peut pas comprendre l’importance du Conseil d’État sans comprendre son rôle historique.
Epreuve de fin de semestre :
De nature « pratique », c’est-à-dire réaliser des exercices consistant dans la réalisation de questions de type cas pratiques et/ou des commentaires de décisions, généralement un commentaire guidé.
Introduction générale du cours : le droit administratif
Section 1 - qu’est ce que le droit administratif ?
Section 2 – quel est le modèle franç&ais du droit admin et pourquoi dit-on qu’il est un modèle en crise depuis des années ?
Section 1 – qu’est ce que le droit administratif ?
Tentative de définition du droit administratif. Il est nécessaire dans un premier temps de définir :
A. La notion d’administration publique
Remarque préalable : la notion d’administration est une notion plus large que celle d’administration publique puisqu’on peut considéré qu’il s’appliquer aussi au secteur privé et à toute organisation humaine. Plus précisément, il faut souligner qu’il existe deux approches pour la notion d’administration, sens qui sont nécessairement complémentaires.
1. L’approche organique
Il peut s’écrire ici avec un A majuscule. Selon cette approche c’est une organisation ou, pour être plus précis, l’ensemble des services qui relèvent des personnes morales de droit public (ou personnes publiques). 3 remarques :
- l’Administration n’a pas d’existence juridique en tant que telle, ce n’est pas une personne morale. Elle est composée de diverses personnes morales de droit public. En premier lieu l’E, qui est la « première des personnes morales », mais aussi les collectivités territoriales.
- l’Administration ainsi définie est rattachée classiquement au pouvoir exécutif, cf ART 20 C « le gouvernement dispose de l’administration ».Ass N, Sénat, etc chaque institution dispose de sa propre administration qui est gérée de façon autonome.
- sont exclues de cette définition les personnes privées. Il a pourtant certaines personnes privées qui peuvent participer à l’activité de l’Administration, qui ne le font pas de façon organique.
2. L’approche fonctionnelle
Si on suit la convention de langage on l’écrit ici avec un a minuscule. C’est une activité ou une fonction, l’ensemble des activités qui ont pour finalité le maintient de l’ordre public et la satisfaction des besoins d’intérêt général. Cela correspond aux deux activités qui, classiquement, correspondent aux besoins de l’administration : la police et le service public.
Ces deux approches sont à combiner mais conservent chacune leur intérêt, ne se confondent pas totalement, notamment sous deux angles : d’une part des personnes privées peuvent participer à l’activité administrative, sous l’angle de la fonction exercée, mais pas sous l’angle organique de l’organisation, ce n’est dont pas la seule à avoir une activité administrative. Exemple : une commune qui décide de laisse l’administration de distribution de l’eau à une entreprise privée ; on considère que c’est une mission qui doit être administrée par l’administration publique.
D’autre part l’administration en tant qu’organisation n’exerce pas toujours une activité qui n’est pas administrative, autrement dit l’Administration ne fait pas que de l’administration. Cela se concrétise par le fait que l’Administration agit parfois comme un simple particulier. C’est le cas, par exemple, lorsque l’administration passe certaines contrats.
B. Droit administratif: lato sensu stricto sensu
Au sens large, tout d’abord, c’est l’ensemble des règles applicables à l’administration, qu’il s’agisse de règles de droit public. C’est l’ensemble des règles spéciales à l’activité administrative, c’est-à-dire quand l’administration agit dans le cadre de ses fonctions essentiellement administratives et distinctes du droit privé. Ce qu’on appelle droit administratif est donc définit dans le choix d’isoler ces règles spéciales.
Section 2 ? -
I. ?
A. Un droit autonome par rapport au droit privé
Cette autonomie se manifeste à la fois s’agissant des règles spécifiques mais aussi du point de vue du juge chargé d’appliquer ces règles. Quelques mots d’histoire en rappel : cette origine remonte à l’arrêt Blanco du 8 février 1873 du Tribunal des Conflits (cf doc TD), premier arrêt référencé dans les grands arrêts de la jurisprudence administrative. Le principe posé est celui selon lequel l’E a ses règles spéciales qui sont différentes de celles du Code Civil. Ce que précise le Tribunal des conflits c’est que ces règles ne valent que dans les rapports de particuliers à particuliers. Il faut retenir que c’est à partir de cette décision a marqué de début du droit administratif. On peut remarquer que le principe posé dans l’arrêt Blanco a, pour cette date, encore une portée limitée car concerne le cadre restreint de la responsabilité administrative (idée que l’E a des règles différentes que celle du C. civ.). Avec le temps, cette conception s’est développée dans l’ensemble des domaines de l’activité administrative, d’abord par la jurisprudence (d’où on dit que c’est un droit historiquement jurisprudentiel).
Tant et si bien qu’aujourd’hui le droit administratif est un droit autonome par rapport au droit privé, et pas qu’on applique simplement par exception. C’est un corps de règles cohérent qui coexiste avec les rapports entre particuliers, c’est-à-dire le droit privé. S dans l’arrêt Blanco le principe est qu’il a des règles spéciales dédiées au droit de l’administration, le développement conduit à la conception qu’on connaît aujourd’hui, à savoir qu’il existe deux corps cohérents, deux ensembles de règles : droit privé et droit administratif.
Quelle est sa justification ? Résulte de la nature particulière de l’administration qui justifie ce droit autonome. On considère que les moyens d’action de l’administration doivent être adaptés à cette mission particulière et sont donc différents de ceux dont disposent les particuliers. Règles spécifiques différentes de celles dont les particuliers disposent. Parmi les moyens spécifiques dont dispose l’administration il y a un certain nombre de privilèges, ce qu’on appelle aussi les prérogatives de puissance publique, terme consacré dans le langage administratif.
B. Droit administratif et droit constitutionnel
Deux branches essentielles du droit public (raison pour laquelle on les voit en L1) qu’il est impossible d’envisager séparément, considérant que les cours de L1 sont acquis. Le droit constit a pendant longtemps considéré comme n’était pas une vraie branche du droit. Il existe un conseil constitutionnel dont le rôle s’est développé, notamment avec la QPC, et a affermit le constitutionnel comme une véritable discipline juridique. Malgré tout, s’il a peut-être perdu de sa suprématie, reste une étude fondamentale dans l’étude du droit public, notamment depuis Napoléon et l’avènement du Conseil d’État.
Qu’est ce qui distingue le droit constitutionnel du droit administratif ? On considère qu’ils se distinguent par leur objet, dans le sens où le droit constit s’attache à l’étude des organes supérieurs de l’E, tandis que le droit administratif est plutôt ce qui régit l’activité administrative, qui relève de l’exécutif, c’est-à-dire le gouvernement en premier chef mais aussi les organes inférieurs. Cette distinction renvoie plus largement entre la distinction entre administration et politique, qui traduit l’idée selon laquelle la fonction administrative est une fonction subordonnée (d’où l’idée d’un rang inférieur). D’un point de vue théorique le droit administratif apparaît lui-même comme subordonné au droit constitutionnel. Cette distinction n’est simple qu’en apparence : il y a des liens étroits entre droit administratif et droit constitutionnel. Le Gouvernement indique bien ce lien intime puisqu’il exerce lui-même des fonctions de ces deux natures.
ART 20 « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation ». C’est sa fonction politique. Dans sa suite « dispose de l’administration » : organe politique par excellence mais aussi à la tête de l’administration. Le Gouvernement incarne donc ce lien.
Dans l’autre sens, dans une autre perspective, même les organes que l’ont pouvait considérer comme les organes inférieurs, exercent des fonctions administratives qui ne sont pas toujours de nature administrative mais ont aussi un sens politique. Exemple : une municipalité qui détermine les menus d’une cantine scolaire. L’opération est apparemment assez neutre, mais à travers l’exercice d’une fonction qui apparaît aussi anodine peuvent se cacher des décisions politiques qui ont un impact politique important. Exemple avec un arrêt de Chalon sur Saone, où le maire avait décidé de modifier le menu dans les cantines scolaires. Il existait alors des menus de substitution qui ont été supprimés au nom de grands principes tels que « la neutralité des services publics ».
Il y a donc une distinction théorique qui a sa valeur mais les liens sont étroits entre les deux domaines.
C. Droit administratif général et droits administratifs spéciaux
Le droit administratif lui-même connaît des subdivisions. Le cours proposé ici est ce qu’on pourrait appeler un cours de droit administratif général afin de distinguer les cours de droits administratifs spéciaux, qu’on a déjà suivit en L1 avec IJA. Dans cette continuité et cette logique, en L3 est proposé un cours de contentieux administratif pour étudier plus précisément les recours et les procédures devant le juge administratif.
Section 2 – Le droit administrati français : un modèle en crise ?
I. Les caractéristiques du modèle français
Le dualisme (A) et le rôle particulier (B).
A. Dualisme juridique et dualisme juridictionnel
Le dualisme juridique concerne le contenu du droit, c’est-à-dire la coexistence de deux ensembles de règles ou de corps de règles autonomes qui se partages entre droit privé et droit public, structure binaire de l’ordre juridique français. Le dualisme juridictionnel est, quant à lui, l’existence de deux ordres juridictionnels (judiciaire et administratif, chacun organisé avec leur propre hiérarchie, et qui sont autonomes dans leur domaine de compétence). Ces deux forment ce qu’on appelle le régime administratif français.
Ce dualisme, pour mettre en perspective qui apparaît à nous, français, naturel, caractérise la France et a exercé une grand influence en Europe jusqu’à une forme de mimétisme.
En GB il n’existe pas d’ordre juridictionnel formellement spécialisé dans les question administratives comme en France, ce qui a pendant longtemps occasionné une controverse doctrinale très vive sous la plume d’un auteur britannique Dicey, qui s’est livré fin 19è à une critique virulente du système français qui reposait sur l’idée que ce droit administratif était un régime de faveur pour l’administration au détriment des droits et des libertés individuelles. Ce n’était pas une critique propre à cet auteur britannique mais qui a aussi eu ses défenseurs, même en France, et qui aujourd’hui encore existe.
B. L’E, garant de l’intérêt général
Quelques mots sur cette notion, cf rapport public 1994 sur le Conseil d’E. L’intérêt général, au cours du 18è, a supplanté la notion de « bien commun » et peut revêtir deux sens un peu différents, de façon schématique : conception anglo-saxonne d’une part et celle française d’autre part.
Anglo-saxonne : on peut la qualifier d’utilitariste dans le sens où, bien qu’il existerait une forme d’ordre spontanée de la société dans laquelle l’intérêt général est le somme ou le produit des intérêts particuliers, cf l’idée selon laquelle chacun qui concoure à son intérêt personnel concoure sans le savoir à l’intérêt général, et en ce sens l’intérêt général résulte de cette organisation. Dans cette conception le rôle de l’E et de l’administration apparaissent comme limité, voire vu avec méfiance.
La conception française, quant à elle, est qualifiée plus volontiers de volontariste ou de rousseauiste, considère que l’intérêt général peut se définir de manière autonome et qu’il suppose le dépassement des intérêts particuliers. Dans la conception française et dans l’histoire française, seul l’E est à même d’incarner l’intérêt général, et donc cela justifie le dirigisme de l’E, la prééminence dans la vie sociale, qui définit, surplombe les intérêts particuliers. C’est en cela que la loi est l’expression de la volonté générale. La nation en France s'est construite par l'E, cf De Gaulle "l'effort séculaire de centralisation" pour dire qu'il était temps de déserrer l'étau.
Pierre Legendre, qui transpose à l’histoire de l’administration en France une conception psychanalytique, et assimile l’E au père dans son rôle protecteur et les implication de cette conception, notamment à la dichotomie entre droit public et droit privé.
Quelle incidence sur le droit administratif ? Cette position de surplomb justifie les prérogatives exceptionnelles dont il dispose et notamment la limitation des libertés individuelles, nécessaires à l’intérêt général.